Je suis sûr que tu as déjà vu un de ces sites, blogs ou publications d’artistes / jeunes parents qui mettent en scène de manière humoristique la galère d’avoir en charge un enfant bas âge.
Je suis persuadé que tu as déjà souris à pleines dents devant ce genre de contenus. Il y a quelques mois seulement c’était mon cas également.
Depuis, les choses ont un peu changé. La plongée dans le chaudron infernal de la parentalité a laissé quelques brûlures. Je suis cuit à point.
Une semaine chaotique
Ça n’était pourtant pas gagné
L’arrivé de Soën dans nos vies a été une explosion de bonheur sans limite. Sandrine et moi en étions arrivés à la conclusion que jamais nous ne serions parents. Nos vies émotionnelles passées nous avaient délestés de certains désirs profonds.
Et puis, boum ça nous est tombé dessus. Nous vainquions notre fatalité morose. Nous nous sommes préparés au fil de la grossesse jusqu’au grand jour.
Des débuts prometteurs
C’est sûrement le cas d’une grande majorité de parents. Nous avons vécu une longue lune de miel avec bébé. Elle a duré plus d’un mois.
En dépit de nuits trop courtes, d’une accumulation de fatigue et d’un apprentissage express de notre rôle de maman et papa, Soën a été le plus mignon des nourrissons.
Peu de pleurs. De longues phases d’éveil avec des vocalises. Un rythme naturel qui s’adaptait très bien au nôtre. Des nuits milimétrées au cordeau : réveil, tétée, change et retour dans le cododo.
Bref, notre lune de miel a été juste magique. Cela nous a offert la chance de prendre confiance dans nos nouveaux de papa et maman. Les couches qui débordent à 3 heures du mat’, les régurgitations sur la tenue toute propre ou les pipis frénétiques sur les tshirts fraîchement lavés érodaient peu notre patience.
Quand tout dérape
Nous commençons à sortir la tête de l’eau. Nous avons donc pu remonter la suite d’événements pour comprendre comment nous en étions arrivés là.
Je peux te dire que sur l’instant nous n’étions pas prêts. Comme le premier coup de couteau du psychopathe dans un bon vieux slasher. D’abord la surprise. Puis le constat désabusé du trou béant dans ta poitirine. Les vaines tentatives de remettre tes organes là où ils sont censés se trouver. Ou de lutter contre ton tueur. Enfin, la sensation que la vie quitte ton enveloppe corporelle sous le regard sadique de ton agresseur.
La descente aux enfers a débuté avec les premiers vaccins du petit. Même si c’est une étape obligatoire pour un bébé de 2 mois, ça n’a pas été un moment très agréable pour lui, malgré les patchs d’EMLA™ qui atténuent la douleur des piqûres.
Nous avions remarqué qu’après chaque visite chez le pédiatre il fallait 2 ou 3 jours à Soën pour se remettre de ses émotions. La légère poussée de fièvre n’a pas arrangé les choses. Nous avons donc pris notre mal en patience.
Malheureusement la situation ne s’est pas améliorée. Loin de là. Les crises de pleurs ont gagné en puissance. Il était devenu impossible de le poser même 5 minutes, dans son lit ou sur le canapé pendant la journée. Notre petit garçon tellement mignon était devenu un démon pompant chaque once de notre énergie vitale.
Rien n’y faisait. Les câlins ont muté en des confrontations physiques. Voir son petit corps se débattre dans tous les sens où nous sentions son profond mal être nous a plongé dans un désespoir abyssal. Nous étions à la recherche du moindre petit sourire en coin ou phase d’éveil joyeuse.
Les nuits n’étaient plus tout à fait les mêmes non plus. Les réveils sont devenus plus fréquents grignotant inlassablement un capital sommeil déjà durement émacié.
Tu n’auras aucun mal à comprendre que :
- (Tensions émotionnelles + manque de sommeil + famille jardiland composée de 3 chats et 3 chiens qui ne peuvent pas vivre ensemble)*bébé possédé = tsunami familial
Chaque soir, alors que notre enfant était couché, nous organisions des debriefings plus ou moins tendus.
*Ceci est une reconstitution malhabile et imprécise de nos échanges. C’est pour te donner une idée de l’ambiance.*
Il traverse le pic de croissance des 9 semaines. Souviens-toi comment ca a été chaud à chaque fois. (Lis cet article si tu veux tout comprendre)
Il a mal. Il fait une poussée dentaire. (Ouais, il est pas en retard le loustic. En général, les dents pointent le bout de leur nez vers 6 mois)
Tu sais, j’ai lu que la période des 2 mois était une grande phase de développement (sensitive, sensorielle et émotionnelle) pour les bébés. Ca peut les perturber et provoquer ce genre de crises.
Vu qu’on est tendu, il le ressent. Il est encore plus vénère. Il faut qu’on prenne sur nous.
Il est en bonne santé. Il continue à bien dormir la nuit malgré son cirque de la journée. On a pas à s’inquiéter d’un problème de santé.
Mais tu ne comprends pas. Il est pendu à mes seins à longueur de journée. Je suis fatiguée et frustrée de ne rien pouvoir faire d’autre.
Moi aussi je suis fatigué. Je me lève toutes les nuits pour le changer. La journée, je ne peux pas bosser comme je devrais.
Tu crois qu’on est de mauvais parents ?

Au fond du trou
Il y a dû avoir l’engueulade de trop ou une journée beaucoup trop éprouvante pour être humainement tolérable (même pour des primo parents). Nous avons pris conscience que nous ne pouvions pas creuser plus profondément notre propre tombe. Qu’il était temps de relativiser et s’organiser autrement. J’y reviendrais dans un autre post.
J’ai commencé à me sentir très mal dans mon rôle de papa. Je ne trouvais plus ma place dans cette cacophonie affective. La fatigue n’a jamais aidé qui que ce soit à réfléchir correctement.
Au plus profond de moi, je me sentais dépassé et impuissant face à cette situation. Je ne peux dire qu’elle était inattendue. J’avais pleinement conscience que nous allions être confrontés à des moments difficiles. Je ne m’étais pas imaginé à quel point ça allait m’affecter.
Voir son fils pleurer à pleine gorge à longueur de journée sans pouvoir mettre le doigt sur son inconfort est une épreuve violente.
Voir l’état physique de sa maman se dégrader jour après jour à cause de l’allaitement (notre choix d’alimentation pour bébé), qui est un engagement intégral largement sous-estimé, est un déchirement indicible.
Prendre en pleine gueule ses pétages de plomb (totalement justifiés) sans savoir quoi faire pour désarmocer la bombe prête à exploser ou s’en vouloir après avoir moi-même claqué une durite sont des instants qui m’ont marqué au fer rouge.
Pourtant, il me semble important de les garder en mémoire. Et de transmettre ma jeune expérience aux papas (et mamans) qui ont, sont en train ou vont vivre quelque chose de similaire.
Une dure leçon
Nous ne sommes pas des cas isolés. Nous savons que des tas de parents avant (pendant et après) nous ont vécu (vivent ou vivront) des situations assez similaires à des moments clés de la vie de leur(s) enfant(s).
Je regrette simplement que nous n’en parlions pas plus. Cela aiderait à relativiser tandis que les nouveaux parents sont dans le dur.
Nous avons quelques échanges avec des proches et, globalement, 2 réponses dominent :
- Je ne me souviens pas avoir vécu ça
- C’est pas grave. Ca va passer
Oui, évidemment que ça va passer et peut-être que nous aussi nous oublierons. Les choses ont d’ores et déjà commencé à rentrer dans l’ordre. Soën a fait une nuit complète avant que j’écrive ce post. Nous avons retrouvé notre bébé adorable toute la journée d’aujourd’hui. Tant mieux d’ailleurs. Ca fait un bien fou !
Mais peut-on considérer que ça annule tout ce qu’il s’est passé pendant les 15 jours écoulés ? Ou doit-on en tirer quelques leçons ?
Si je devais te donner quelques conseils pour traverser cet enfer parental, j’oserais te dire que la résilience est ta seule issue. Une bonne dose de patience agrémentée d’un torrent d’amour devraient résoudre nombre de tes problèmes.
Informe toi tant que tu peux en croisant tes sources pour être sûr de récolter des informations pertinentes. Mais ne te noie pas dans des choses écrites ou vécues par d’autres.
Tu vis ta propre parentalité avec ton passif émotionnel (ton histoire), ton présent affectif (ta / ton partenaire) et ton avenir sentimental (ton enfant). Ton bébé est un être unique avec son rythme d’apprentissage et une capacité plus ou moins importante à tolérer la frustration.
Enfin, le meilleur de tous mes conseils. Si ton bébé est en bonne santé, mange bien et n’a pas sa couche qui déborde, suis ton instinct. La plupart du temps, il a juste besoin que tu sois là pour crier haut et fort dans tes oreilles fatiguées qu’il est vivant.
Tu sais ce dont il a besoin. Prends le dans tes bras. Berce le. Chante lui une chanson avec tes plus belles fausses notes. Fais lui une belle grimace ou imite le beuglement de la vache.
Ca peut prendre du temps mais il finira toujours par se calmer. Une micro sieste de 15 minutes est une petite victoire qu’il faut savoir savourer. L’Enfer n’aurait aucun sens sans le Paradis. Il est parfois nécessaire d’aller visiter le premier pour mieux apprécier les délices du deuxième.
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