Si quelqu’un m’avait posé la question, j’aurais répondu sans hésiter que j’étais prêt. Que je l’étais depuis si longtemps que j’avais oublié à quand remontait mon envie d’être père.
La vie est ainsi faite. Avec son lot de surprises – bonnes ou mauvaises – qui me rappelle une époque pas si lontaine où je commençais certains de mes écrits par ce gimmique : La vie est une sacrée farceuse. J’ai découvert les joies de la paternité et de l’alimentation pour bébé à presque 40 ans.
Mais il est encore trop tôt pour parler de la question d’âge. J’y reviendrai un peu plus tard. Recontextualisons.
Quand les étoiles s’alignent
Dans l’oeil du cyclone
Je fais partie d’une génération qui a connu Le Club Dorothée, l’arrivée des mangas (Goldorak, Dragon Ball, Olive et Tom…), la poche banane et les parties de billes dans la cour de récréation.
Je fais partie d’une génération qui a été directement impactée par le ralentissement de l’économie suite à la longue embellie d’après Seconde Guerre Mondiale : chômage, monde du travail concurrentiel, valorisation des diplômes universitaires au détriment d’une expérience pratique. Mais aussi les prémices de la mondialisation et d’Internet.
En tant qu’homme, je fais partie de ces personnes qui ont été élevées en grande partie par une maman qui assumait aussi bien la gestion du foyer qu’une carrière professionnelle. Avec toutes les avancées sociétales qui peinent encore à s’imposer aujourd’hui : égalité des sexes, respect du consentement, féminisme ou encore la liberté sexuelle.
Tout ça pour dire que pendant longtemps j’ai eu du mal à trouver ma place dans ce chaos qu’est la vie. Mes relations avec le sexe opposé ont toujours été tiraillées entre envie de constuire, expression des désirs et respect de ceux de l’autre.
Arrivé à 40 ans, j’ai connu plusieurs histoires qui me laissaient un sentiment d’inachevé. Qui ont largement contribué à ma construction émotionnelle. Souvent dans la douleur. Parfois dans la joie.
Après l’orage…
… Vient le beau temps.
J’ai décidé de recommencer ma vie à zéro il y a 5 ans :
- Nouvelle ville
- Nouveau job
- Nouvel objectif

La meilleure décision de toute ma vie d’adulte. Une bulle temporelle qui en a troublé plus d’un, dont une bonne partie qui était persuadée que j’allais droit dans le mur. Qu’une fois encore, je recommençais tout à zéro en guise de fuite en avant. Je ne peux les en blâmer. Je leur avais donné de mauvaises habitudes.
Après plusieurs années à me tenir éloigné des relations trop personnelles, j’ai franchi le cap et je me suis inscrit, comme tant d’autres, sur un site de rencontres. La drague cosy dans son canapé. La chance de pouvoir se rapprocher tout en se tenant à distance. De couper court à tout lien d’un simple clic.
Je dois l’avouer. Je ne l’ai pas fait avec beaucoup d’espoir. J’avais déjà essayé cette voie avec comme résultat une forte amertume et un sentiment complet d’échec. Quelque part, je tentais de conjurer une situation (choisie) qui avait duré bien longtemps. 3 ans à reprendre ma vie en main, me reconstruire et m’engager dans des projets propres, sans chercher à satisfaire la personne avec qui je partageais ma vie.
Autre aveu : c’est beaucoup plus facile de communiquer à travers un chat. Chacun des interlocuteurs peut rester bien à l’abri, réagir lorsqu’il le souhaite ou qu’il est disponible physiquement et mentalement. L’illusion fantasmée perdure avec des possibilités infinies. Comme dans un roman d’amour ou un film de cinéma. Une différence de poids : vous êtes à la fois acteur et spectateur. Un équilibre parfait pour les personnes à forte sensibilité. Voilà plusieurs fois où je constate que j’ai des tas de choses à dire à ce sujet. J’y viendrais sûrement un jour.
Le ciel se dégage
Plusieurs mois à emprunter les montagnes russes de l’émotion. Tous les utilisateurs sérieux (je ne parle pas des prédateurs / trices qui traînent sur Tinder ou Grindr) des sites de rencontre passent par toutes ces étapes :
- La stimulation du jeu de séduction qui s’installe
- L’excitation de la découverte de l’autre
- La fantasmatisation de la relation naissante avec projections personnelles
- L’ancrage dans le réel si une rencontre se profile
- L’angoisse du date
- La rencontre
- La suite de l’histoire ?
Plusieurs mois à goûter à plusieurs reprises à l’amertume et à la désillusion. J’ai été étonné de constater que les femmes approchant la quarantaine ne sont pas plus sécurisées que celles qui ont la vingtaine / trentaine. Une incertitude hostile qui transforme de joyeux instants en soupe à la grimace. Ou alors un abandon total dans une relation vouée à l’échec où tu as l’impression d’être la dernière planche de salut possible.
Tout comme on entend surtout la voix des mamans sur la question de la parentalité, avec une sorte d’omerta sur celle des papas, les rencontres virtuelles sont souvent traitées sous l’angle de la femme. Avec une conclusion assez sordide : les hommes sont des porcs assoifés de conquêtes. Alors que la vérité est bien plus nuancée.
Et puis, sans crier gare, alors que je me posais des questions sur ce que je vivais, une notification de message privé. Comble de l’inattendu mon abonnement arrivait à son terme. Je ne voulais pas donner suite. Elle a insisté. L’histoire me prouve qu’elle a eu mille fois raison.
L’appel de la forêt ?
A mi chemin
Je passe sur la phase de découverte mutuelle : les messages échangés via l’interface peu pratique du site de rencontre qui nous conduisent rapidement à une technologie plus pratique. Messenger fait très bien le job. Les notifications s’enchaînent avec les premiers points communs et les sourires qui les accompagnent.

De fil en aiguille, nous passons en revue une multitude de sujets : notre amour des animaux, nos petites actions quotidiennes pour mieux vivre ou encore l’évocation de quelques souvenirs drôles ou douloureux. Nous nous rendons vite compte que nous partageons des valeurs, ce qui semble être très important pour l’un comme pour l’autre. Et que finalement nous avons un objectif commun qui va au-delà d’une simple pulsion à assouvir. Pas à pas, une certaine complicité s’installe avec le souhait profond de nous rencontrer pour de vrai.
Tu savais qu’il existait une étude psycho sociale qui a démontré qu’une rencontre virtuelle avait plus de chances de se concrétiser si la rencontre physique avait lieu au maximum dans les 3 semaines qui suivaient le premier message échangé ?
La faute à l’idéalisation exponentielle qui aurait tendance à s’installer et qui rendrait de plus en plus difficile le passage à la réalité. Nous n’avons pas pris le risque de démonter cette théorie. Rendez-vous fut alors pris dans un endroit neutre à égale distance (ou presque) de nos domiciles respectifs avant la fin de cette échéance fatidique.
Au détour d’un chemin de randonnée
Je pense qu’il existe un véritable concept de téléréalité à exploiter que nous pourrions intituler : Un date presque parfait.
Si je devais revivre cette rencontre, je ne changerais rien. Au coeur du parc de la Brenne, nous nous sommes retrouvés sur le parking à la sortie de la commune de Vigoux. J’avais emmené ma fidèle Inata. J’ai du mal à expliquer pourquoi précisément. Peut-être si jamais ça se passait mal, j’aurais pu lui proposer une promenade agréable dans un lieu inconnu. Ou alors parce qu’elle renvoie une belle image de moi : de la réserve, un peu de manque de confiance et une envie folle de vivre de nouvelles choses.
Après quelques banalités gênées, nous avons décidé de partir marcher sur un chemin de randonnée que nous cherchons toujours. Mais cela ne nous a pas empêchés de vivre un superbe moment. Sandrine, tout à coup moins confiante que lors de nos échanges virtuels, m’a profondément touché. Je suis le genre de type à être troublé par une personne qui fait tout ce qu’elle peut pour dissimuler sa fébrilité sans vraiment y parvenir. Malgré tout, entre quelques silences d’introspection mutuelle, nous avons profité de cette magnifique journée de cette fin de mai pour nous découvrir et commencer à réaliser que la réalité matchait avec la fiction. Voire la sublimait.

Enhardi par ce date parfait, une tentative de baiser qui s’est soldée par un échec. Ce qui nous fait encore beaucoup rire. Nous avons terminé cette première rencontre par un 4 heures buccoliques sur un plaid qui traînait dans la voiture avec un brownie maison et du thé pêche. Rien de mieux qu’une douceur sucrée pour rendre les choses plus délicieuses. Le coeur en émoi, je suis reparti léger. Sortir du schéma habituel – boire un verre / faire un resto – était la meilleure solution. En tout cas, celle qui nous convenait réellement.
Si tu es encore là, c’est que j’ai convenablement happé ton attention. La suite de mon (notre) histoire s’est écrite dès l’instant où nous nous sommes quittés sur ce parking au fin fond de la Brenne. Nos échanges ont encore gagné en intensité et en régularité. L’un comme l’autre, nous avions senti que quelque chose d’exceptionnel était en train de se passer. Qu’il allait falloir sortir de notre zone de confort pour nous donner toutes les chances de vivre une histoire rien qu’à nous.
Il en fut décidé ainsi. Sandrine me rejoindrait chez moi dès que possible. Nos retrouvailles étaient à la fois si proches et si lointaines que mon impatience me débordait très souvent. Aux moments les plus inattendus. Une douce souffrance qui méritait d’être supportée lorsque nous constatons là où ce chemin de randonnée nous a conduit.
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